Roger Perreault (1937 – 2021) : Adieu à un bâtisseur
Nous sommes entrés à l’Alcan presqu’en même temps. Gradué du Collège militaire de Saint-Jean, et de l’Université Queen de Kingston, il entra aux usines d’Arvida comme ingénieur civil, au service du Groupe d’entretien majeur et construction. Il s’occupait principalement de planifier et de coordonner les programmes de « shut-downs » des unités de production, et de projets majeurs de modification et de construction à l’intérieur de l’usine Arvida. C’était au début des années ’60, de la montée du nationalisme québécois, des discours de Pierre Bougault, du Crédit Social, etc… Une chose est sûre…ça bougeait beaucoup. À l’Alcan, la langue de travail était l’anglais, nos supérieurs étaient, pour la plupart, anglophones unilingues. C’étaient des Farmer, Coulthart, Mackenzie, Campbell et des Italiens comme Santoni et Pereira. Nos collègues ingénieurs étaient mixés avec une cohorte d’anglophones tels que Watson, Fox, Charlton avec les Pruneau, Fafard, Dorval, etc.
En gros, ce n’était pas facile et la compétition était forte… mais c’était le fun, on était très occupés et le temps passait. Nos familles grossissaient. Lui avec Thérèse, deux garçons. Moi et Lise, le couple. Les premières années de voisinage se limitaient à des soupers en famille, des journées à la plage de St-Gédéon au Lac-St-Jean ou dans la cour arrière des Veilleux.
Maintenant que vous avez le contexte, où était notre Roger dans tout ça? Bien là, je vous l’assure. D’abord, lui, issu du régime militaire, où la discipline était de rigueur, la ponctualité et l’ordre étaient des points forts. Aux réunions, il était toujours un des premiers présents. Il avait une main d’écriture impeccable, rare pour un gars et encore plus rare pour un ingénieur. Ce n’était pas un grand parleur ou un grand « discoureur ». Ses remarques étaient modérées lorsqu’il était en terrain inconnu. C’était différent parmi son monde plus familier.
Après cinq ans à Arvida, nos parcours respectifs se sont modifiés. Lui est demeuré et progressé dans les installations du Saguenay. Moi, avec ma famille, sommes allés faire une tournée en Amérique du Sud et à Montréal au Bureau-Chef. Nous étions de retour à Arvida 5 ans plus tard pour renouer avec la vieille « gang » qui avait aussi pris des galons dans l’organisation. Nous étions tous les deux dans des postes seniors de direction avec les autres francos. Ç’a été une période assez « rock and roll » et ce, pendant une dizaine d’années.
Nous avons eu une série de grèves, le Carnaval Souvenir, les soupers progressifs, les « stags » au Club de la Direction et j’en passe. Comme moi, Roger n’en manquait jamais un et souvent, on se couchait tard, quand on allait se coucher. Un en particulier me revient à l’esprit. Après le party d’un de nos collègues qui était transféré, il fallait finir la soirée ailleurs. Avec les Riverin, Julien et PA, nous étions dans un certain bar sur la rue Davis à Arvida et là, une idée lumineuse vint à Roger. « Aie ! les gars, c’est plate icitte, je vous invite à manger des hot-dogs au chalet de Julien…ce soir…et c’est moi qui chauffe ». Il faut dire que le chalet de Julien est sur les Monts Valin à pas moins de 1-1½ heure de Chicoutimi. Croyez-le ou non, on l’a fait. Nous sommes allés aux emplettes chez JAT. Hot-dogs, relish, moutarde, chips…une caisse de bière et on est parti. Seuls sur la route, en Suberban, le trajet s’est fait en 50 minutes. On a même fait une crevaison en montant et revenu sur le « rim »…aux petites heures du matin. Ça c’était du Roger, peur de rien, prêt à tout et toujours en contrôle…en apparence dois-je admettre. Quelque soit le party de la veille, Roger était au poste le lendemain et rien n’y paraissait… s’il n’y avait aucune égratignure.
Puis ce fut la période des grands projets, la construction de l’usine Grande-Baie suivie de l’usine Laterrière. Là Roger était dans son élément, il réalisait quelque chose de concret et qui paraissait. C’est lui qui coordonnait les équipes de construction sur le chantier. Le cas de l’usine Grand-Baie était spectaculaire puisque construite en moins de 3 ans à partir d’un champ où broutaient des vaches, pour en faire une usine de production d’aluminium de quelque 200,000 tonnes par an. Il a réussi cet exploit pour se mériter par la suite la direction de la construction de l’usine Laterrière, qui a démarré 10 ans plus tard. Cette dernière s’est construite dans les temps, et selon les budgets alloués et Roger en est en partie responsable.
Roger n’est plus avec nous, mais je vous assure qu’il ne sera pas oublié de sitôt. Ses prouesses impromptues que beaucoup d’entre vous connaissent et aiment se rappeler n’ont pas fini d’égayer nos rencontres.
Roger, tu as bien profité de la vie, maintenant repose en paix…
Ton ami te salue…
Gilles Duhaime