Perturbations électriques : un impact considérable sur la stabilité des usines

De gauche à droite : Loana Soucy (Gestion des Actifs), Alexandre Dubois, Charles Simard, Daniel Albert, Sébastien Truchon, Mathieu Brassard, Jean-Éric Gobeil, Stéphane Gagnon (absent).

Un article de vulgarisation de nos collègues d’Essais et Analyses d’Énergie Électrique

Énergie Électrique, le réseau hydroélectrique de Rio Tinto au Saguenay-Lac-Saint-Jean, est soumis à différentes épreuves naturelles tout au long de l’année, comme le verglas, le brouillard et la foudre, de même qu’à des bris d’équipement. Tous ces événements peuvent causer l’amorçage d’arc électrique et déstabiliser le réseau, le solliciter au-delà de ses limites, affectant du même coup les usines régionales qu’il alimente en énergie.​ De ceux-ci, la foudre est la cause la plus fréquente d’arc électrique à très haute intensité.

Lorsque cela se produit, l’arc doit rapidement être éteint par des systèmes automatiques, appelés des protections électriques et des disjoncteurs. Cela est nécessaire afin d’assurer la sécurité du personnel et des équipements, de même que la stabilité du réseau électrique et de ses usines. Qu’entend-on par « rapidement »? Dix fois plus vite qu’un claquement de doigt, soit environ 100 millièmes de seconde.

En 2023, 12 arcs électriques ont pris naissance sur le réseau haute tension de plus de 161 000 volts d’Énergie Électrique. De ces incidents, 65 % étaient causés par la foudre et 35 % en raison d’appareillages défectueux. Chaque fois, ces arcs ont été interrompus rapidement, mais l’écrasement de tension qui survient au même moment affecte les usines à différents degrés. ​

Bien que le réseau d’Énergie Électrique soit très fiable, il demeure éprouvé lors d’un arc électrique, rendant du même coup les usines régionales plus vulnérables. Cette vulnérabilité lors de cette situation n’est pas unique chez Rio Tinto; c’est le cas pour tous les réseaux électriques. On n’a qu’à penser aux réseaux de distribution qui alimentent nos maisons!​

Patrick Lalancette, ing., support Gestion des actifs haute tension, est bien au fait de ces impacts : « Lors de l’allumage d’un arc électrique, des équipements nécessaires à la production d’aluminium supportent mal l’écrasement de tension créé par l’arc. Pour se protéger, ces équipements doivent se mettre à l’arrêt, causant des pertes de production et nécessitant de redémarrer le procédé affecté. À l’occasion, certains équipements n’ont pas pu se protéger et sont endommagés par l’événement. »​

Les usines ont d’ailleurs pris des mesures pour tenter d’être plus robustes lors de ces perturbations. « Les sous-stations électriques des usines implantent des mesures pour augmenter leur capacité à survivre à ces événements, mais elles auront toujours une certaine sensibilité aux perturbations électriques », relate Patrick Lalancette. « Les nouvelles installations, comme AP60 et Elysis à Arvida, en collaboration avec le réseau, prennent aussi en compte ces phénomènes pour exiger de respecter des critères de conception de robustesse qui les rendent plus résilientes aux risques. »​

Dix années sans interruption complète, un record dans l’histoire d’Énergie Électrique

Le réseau d’Énergie Électrique s’est solidifié au cours des 25 dernières années afin de mieux isoler les arcs électriques. Au total, 70 % des 171 disjoncteurs haute tension et 80 % des protections électriques ont été remplacés jusqu’à maintenant par des technologies plus modernes et efficaces.

​Malgré des pannes importantes que nous vivons encore et qui perturbent les usines de manière localisée, Énergie Électrique a battu un record à l’été 2024 de 10 ans sans interruption complète de son réseau électrique, communément appelé « blackout ». Qu’entend-on par « blackout »? C’est l’arrêt complet de toutes les centrales hydroélectriques régionales et la perte d’alimentation électrique de toutes les usines alimentées par celles-ci, causés par un fonctionnement de protection électrique imparfait.​

​La dernière interruption complète a eu lieu le 8 juin 2014. Un arc électrique isolé trop lentement a mené à la perte complète du réseau. Celui-ci s’est effondré comme un jeu de dominos, un élément à la fois. Marc-André Gagné, chef de service Production, Lignes et Essais et Analyses, à ce moment ingénieur Réseau, se souvient bien de ce moment : « Toutes les centrales et les usines étaient à l’arrêt. Il aura fallu 40 bonnes minutes pour remettre le réseau en fonction et commencer à réalimenter les usines une à la fois, avec le stress de geler des cuves si cela ne se faisait pas assez rapidement. »

Trois autres pannes importantes ont eu lieu sur le réseau entre 1997 et 2014. « À l’époque, on avait l’habitude de dire qu’on perdait le réseau aux 5 ans. Ce qui n’est pas rien, si l’on considère tous les risques SSE associés au fait d’arrêter des usines sans avertir et les coûts importants relatifs à une panne majeure », souligne Loana Soucy, ingénieur électrique spécialiste en automatisme de protection électrique.​

Le bon fonctionnement des automatismes de protection du réseau est aussi directement lié à l’expertise des ressources de Rio Tinto qui assurent une vigie au quotidien. Au cours des années, la direction d’Énergie Électrique a maintenu un noyau fort de cette expertise, avec le département d’Essais et Analyses (E&A) et une ingénieure spécialiste.

« J’ai participé au remplacement d’un grand nombre de protections électriques et de disjoncteurs et c’est certain que tous ces remplacements ont augmenté la fiabilité de notre réseau. Depuis les dernières années, on nous donne plus de temps de préparation pour que nos interventions soient plus efficaces et plus sécuritaires pour nos clients – les usines. Il faut savoir qu’il y a toujours un risque pour nous de causer des interruptions aux clients si notre préparation n’est pas adéquate. Je dis souvent que nous jouons avec le feu, mais qu’il ne faut pas se brûler. En ce sens, notre rigueur, notre implication, notre préparation et une bonne communication entre les employés, autant cadres que syndiqués, font une grande différence », témoigne Stéphane Gagnon, technicien E&A.

« En plus du maintien d’une équipe forte à l’interne, Énergie Électrique poursuit son programme de fiabilisation des équipements de protection, disjoncteurs et appareillages vieillissants. Notre réseau est vaste, et chaque remplacement est vu sous un angle stratégique afin d’obtenir le meilleur impact sur la stabilité du réseau », conclut Johann Friedrich, directeur des opérations, Énergie Électrique.

Courant, tension, arc électrique, comment s’y retrouver?

Si nous comparons l’énergie qui circule dans un câble électrique à de l’eau qui circule dans un conduit, la quantité d’eau qui se déplace serait le courant et la tension serait la pression exercée sur les parois du conduit.

Quant à un arc électrique, il s’agit d’un trou créé dans le conduit pour lequel il faudrait fermer des valves afin d’interrompre la fuite d’eau. De la même façon, il faut ouvrir des disjoncteurs pour interrompre une fuite de courant (arc électrique).